Focus : la filière artistique sur le territoire Une nouvelle formation continue

Campus du Printemps des Comédiens 2021 développe la transmission des savoirs entre des metteuses et metteurs en scène de renom et de jeunes artistes déjà en activité ou issus de formations supérieures d’art dramatique. Il s'agit de séquences de formation d'une semaine, fondées sur la confrontation et l’échange d’expertises, d'approches, de méthodes et de pratiques de la mise en scène, à partir de différents textes et langages artistiques. Parce qu'il reçoit des artistes de notoriété internationale, qui ont le goût de venir travailler ici, parce qu'il est un lieu de fabrique exceptionnel, parce qu’il entend prendre en compte la filière professionnelle en Occitanie, le Printemps des Comédiens souhaite, par la mise en place de ces nouvelles formations, contribuer au développement des compétences et des approches de nouvelles générations d’artistes.

Campus est conçu en partenariat avec l’AFDAS et porté par l’organisme de formation de Cyclorama.

 

 

Isabelle Lafon : se parler de près, de loin (à partir d’un choix heteroclite de textes)

 

Isabelle Lafon, quel travail allez-vous proposer à vos stagiaires au sein de votre masterclass et qu'est-ce qui a suscité votre envie de mener cette aventure au Printemps en partenariat avec le Kiasma à Castelnau-le-Lez ?

Je leur ai déjà trop proposé avant même de commencer (rire). Nous avons fait une « valise de livres ». Ce qui m'a intéressée en premier lieu quand le Printemps m'a proposé de mener cette masterclass, c'est l'idée de l'urgence qu'il y a à travailler en une semaine. Je me mets dans l'esprit qu'il faudrait présenter quelque chose dans une semaine, de se dire : on n'a pas le temps, ce qui est le contraire de ma façon de travailler, car j'aime prendre beaucoup de temps. Qu'est-ce que l'urgence au théâtre ? Ça, c'est une question qui me tient à cœur. Qu'est-ce que l'urgence, tout court, d'ailleurs ? Je pense que les acteurs sont profondément intelligents. J'avais envie de voir comment un acteur peut prendre la parole, autant pour interpréter une correspondance de George Sand, qui a un langage assez politique, que des correspondances plus anciennes, ou encore quelques écrits bruts de personnes dont on dit qu'elles sont folles, qu'avec des textes, comme La photographie de Lagarce, autant avec un scénario : comment on peut imaginer des scènes de films. Il s'agit en fait de travailler autour des différentes façons de prendre la parole, et ça demande par conséquent aux acteurs de penser à quelque chose de la mise en scène. Car je crois beaucoup en cela : quand on prend vraiment la parole, on se met en scène. Enfin, ce qui m'intéresse, c'est que si on part vraiment d'un texte, et surtout de textes différents, on observe qu'on peut toujours être intimement là, authentiquement là, urgemment là. Il s'agit d'éprouver qu'il n'y a pas « le naturel », le « pas naturel », il y a : comment, toi, tu prends la parole, comment, toi, tu parles.

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Propos recueillis par Mélanie Drouère, 9 juin 2021, Montpellier.

 

Katia Ferreira : de l’art de maîtriser la vidéo

 

Pas d’ivresse des altitudes comme il y a une ivresse des profondeurs : Katia Ferreira, magnifique Macha de La Mouette de Cyril Teste, acclamée, encensée, sort de cette aventure comme elle y était entrée. Sereine, paisible, prête à reprendre l’ordinaire des jours d’une comédienne où le fracas du succès n’est qu’un épisode parmi d’autres. Il y a beaucoup de joie, dit-elle simplement, de rencontrer enfin le public, de retrouver un rythme normal.

Et dans ce rythme normal, il y a, pour elle, la transmission. Il y a ce goût, bien que si jeune, de passer son expérience à ceux qui demain seront sur les scènes. Katia Ferreira, pur produit de l’écosystème théâtral montpelliérain – ENSAD, premiers pas sur les scènes régionales – a souvent mis en pratique cet appétit de la transmission : travail avec des collégiens, des lycéens, puis il y a deux ans, création au Printemps des Comédiens de l’ambitieux First Trip, d’après le roman Virgin Suicides de Jeffrey Eugenides : elle y mettait au plateau une vingtaine d’adolescents.

Aussi est-ce d’évidence que la comédienne-metteuse-en-scène s’est retrouvée au casting de ces campus que le Printemps organise avec des intervenants au nom aussi prestigieux que Peter Brook et Marie-Hélène Estienne ou Eric Lacascade.

« Ces dernières années, j’ai été amenée à travailler avec de la vidéo tant dans ma pratique de comédienne, que dans ma recherche de mise en scène. Je me suis souvent demandé comment faire pour qu’elle ne soit pas seulement une contrainte technique que subirait le.la comédien.ne mais à l’inverse un outil mis à sa disposition pour lui permettre de faire des propositions de jeu. Ne plus l’envisager seulement comme un dispositif au service de la dramaturgie de la mise en scène, mais comme un partenaire qui permettrait à l’acteur.rice d’explorer un champ de possibles en terme de jeu. Comment faire pour que la technicité de l’outil vidéo ne le.la coupe pas de ses impulsions, afin de dépasser l’habituel clivage entre esthétique chorégraphiée de la mise en scène utilisant ce genre de procédé technique et jeu improvisé et organique de l’acteur.rice ? Durant ce stage, nous essaierons d’imaginer des dispositifs permettant au.à la comédien.ne de théâtre d’être cadreur.se. Et si le corps de l’acteur.rice, ses émotions, ses intuitions faisait de lui le.la cadreur.se privilégié.e de ses partenaires de jeu, mais aussi de lui.elle-même ? »

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Jacky Vilacèque

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