Le Printemps des collégiens

L’année 2016 célébrait à la fois les 30 ans du Printemps des Comédiens et les 400 ans de la mort de Shakespeare. Ce double anniversaire a suscité la naissance d'une recherche autour de « Shakespeare et citoyenneté » dans le cadre du programme A Year with Shakespeare conçu par l’Institut de recherche sur la Renaissance, l'âge Classique et les Lumières (IRCL), UMR 5186 CNRS/université Paul-Valéry Montpellier 3, qui souhaitait faire de 2016 une année de partage de ses recherches avec la ville de Montpellier et ses environs immédiats. Projet de recherche-action, « Shakespeare et citoyenneté » est porté conjointement par le Printemps des Comédiens et l’IRCL. Ils travaillent avec six collèges de Montpellier (classes de troisième et quatrième des établissements Camille Claudel, Croix d'Argent, les Escholiers de la Mosson, Georges Clémenceau, Fontcarrade et Simone Veil). Le projet est soutenu par le ministère de la Culture, le CNRS, Conseil départemental de l’Hérault et la métropole.

Le « Printemps des collégiens » est un festival dans le festival, se déroulant sur une journée en juin pour restituer les travaux effectués dans les ateliers de pratique théâtrale autour d’une pièce de théâtre populaire de la première modernité : Shakespeare (depuis 2016), Molière (2022). Ces deux auteurs sont un fil rouge de la programmation du Printemps des Comédiens. Les élèves de chaque classe sont tour à tour acteurs et spectateurs. Il s'agit d'éveiller la curiosité artistique et la sensibilité esthétique de ces citoyens en devenir.
L'« École du spectateur » vise à initier les élèves à la pratique culturelle de spectateur. Une minorité d’élèves poursuivra une pratique théâtrale après le projet, mais tous peuvent continuer une pratique culturelle de spectateur régulière. Il est donc important de les familiariser avec le théâtre en tant qu’institution, de les initier aux codes et conventions de la représentation théâtrale pour qu’ils se sentent à l’aise au théâtre, et de leur donner envie d’y retourner.
Des interventions dans les classes sont proposées par les chercheurs de l’IRCL : construites sur mesure en fonction du projet de chaque classe, elles ont pour objectif d’éveiller la curiosité intellectuelle des élèves. Il s'agit de diffuser des connaissances sur le théâtre de la première modernité, les conditions de représentation, le contexte socio-culturel et politique dans lequel les corpus étudiés ont été produits. Ces interventions ouvrent un espace d’analyse et de débat sur les pièces et leur résonance aujourd’hui.
Parallèlement au commencement des ateliers de pratique artistique, une journée d’accueil à l’IRCL est organisée pour lancer le projet. Les élèves profitent d'une visite guidée des maquettes de théâtre public élisabéthain conservées au centre de recherche et d'une présentation des métiers de la recherche. Eux-mêmes présentent collectivement leur projet de classe aux chercheurs.
Une journée « Découverte des coulisses et métiers du théâtre » est organisée par l’équipe du Printemps des Comédiens, chaque année, au Domaine d’O. Elle vise à ouvrir des horizons aux élèves quant aux métiers artistiques, techniques, de médiation culturelle et de production. La journée comprend la visite guidée d’un grand équipement théâtral, tel le théâtre Jean-Claude Carrière et d’un grand amphithéâtre de plein air comme l’amphithéâtre d’O.

Le Printemps des Collégiens tente de répondre à la formulation de Jean Vilar : « Faire partager au plus grand nombre ce que l'on a cru devoir réserver jusqu'ici à une élite ».

Introduire des projets comme le Printemps des Collégiens dans des établissements scolaires ne relève pas de l'évidence. Pourtant, la pratique de Shakespeare dans le cadre scolaire est essentielle. Puisque le théâtre de Shakespeare, à travers ses thèmes, aide les adolescents à développer de l'empathie, à élargir leur horizon de pensée, leur ouverture d'esprit et à saisir les enjeux derrière les dynamiques contemporaines, et que l'école offre aux adolescents un bagage historique et contextuel sur la république dans laquelle ils vivent, l'alliance des deux est nécessaire pour saisir les nouveaux enjeux qui caractérisent la question de la citoyenneté, notamment la question de la diversité et l’inclusion, en ce qu'elle renforce les liens entre les individus et permet de dissiper la peur de l'autre grâce à la prise de contact convoquée par le jeu théâtral.

Bertolt Brecht suggère d'éduquer et d’éclairer les individus en utilisant le potentiel ludique du théâtre (Petit Organon pour le théâtre, 1948). En ce sens, la mission du théâtre rejoint les objectifs de l'école de la République puisque les projets sont émancipateurs et formateurs pour les élèves.

Le Printemps des collégiens apporte une activité de création dans l'école. Celle-ci est d'ordinaire davantage tournée vers l'apprentissage et moins la créativité. Ainsi, le projet permet aux élèves de s'établir en tant que groupe composé de singularités dans lequel chacun a son rôle. À échelle réduite, cela recrée une démocratie.

Le théâtre vu par Peter Brook : « Je peux prendre n'importe quel espace vide et l'appeler une scène. Quelqu'un traverse cet espace vide pendant que quelqu'un d'autre l'observe, et c'est suffisant pour que l'acte théâtral soit amorcé » (L’Espace vide : écrits sur le théâtre, 1993). Cette définition résonne tout particulièrement dans le cas des établissements où les ateliers sont montés dans la classe puisqu'il n'existe pas d'amphithéâtre dans le collège. Ainsi, on a écarté les chaises et les bureaux et le jeu commence souvent par une traversée de cet espace vide, même s'il n'est pas une scène à proprement parler.

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Adèle Mignard,
Extraits du mémoire de recherche de Master 2 en études anglophones « Shakespeare au collège. Étude de la place et la fonction du théâtre de Shakespeare dans la formation des adolescents du sud de la France (Montpellier et Nice) », soutenu en septembre 2020 à l’Université Paul-Valéry Montpellier 3, sous la direction de Florence March (IRCL).