Rencontre avec Jean-Marc Trinquier,
Directeur de Vassiléo,
Mécène du Printemps des Comédiens
Responsable du Cercle d’Entreprises du Printemps des Comédiens

 

Jean-Marc Trinquier, vous êtes à la direction de Vassiléo, un groupe très implanté sur le territoire d’Occitanie et de Provence-Alpes-Côte d’Azur, de grande notoriété, investi dans le milieu de la rénovation et de la réhabilitation. Quelle est l’histoire de votre entreprise ?

Il y a quatre ans, j’ai repris deux sociétés de peinture à Béziers et à Montpellier. C’est là qu’est né le nom Vassiléo : l’idée était d’innover en installant une uniformité de pratiques et d’usages dans nos agences, et leur lisibilité en interne comme en externe avec une signature commune. J’ai commencé à grandir en reprenant une société à Nîmes et en créant une société à Perpignan. J’ai alors rencontré Anthony Ballester, qui, lui, avait repris une entreprise familiale à Nîmes, et nous sommes assez vite devenus amis. Nous nous sommes associés et l’histoire est devenue pour une temps celle de deux jeunes entrepreneurs dynamiques trentenaires associés pour créer un leader national, car nous avons beaucoup grandi en 2021, alors même que nous prenions conscience de ce que nous avions des stratégies et des visions très différentes du fait de nos approches respectives, liées à nos postes : Anthony Ballester était alors en charge de la gestion des études et de la production des affaires ; je m’occupais du développement et de la gestion. Ces divergences de points de vue exigeaient que nous prenions une décision rapide pour la santé de l’entreprise, en bonne intelligence, et nous avons décidé ensemble, début 2022, au vu de nos projets respectifs, que ce soit moi qui rachète les parts de notre société.

Depuis lors, j’ai repris l’ensemble des domaines, mais aussi et surtout l’ensemble des décisions avec une optique stratégique très claire : prendre de gros projets, mais résolument à la faveur d’une structuration, plutôt qu’augmenter le volume de production. Les études de production que réalisait mon associé ont ainsi été réparties entre celles que j’assume directement et différents directeurs qui en prennent la responsabilité et en assument les charges afférentes.

Avec Vassiléo, vous êtes mécène du Printemps des Comédiens et, plus encore, vous animez le cercle d’entreprises qui soutiennent le festival. Quelle est votre motivation, en tant que chef d’entreprise, à prendre position dans la sphère de la culture ?

Ce qui me plaît, d’une part, par rapport à ma société, c’est de pouvoir apporter une image différente du milieu du bâtiment, dans lequel nous sommes souvent partenaires de manifestations sportives. Je trouve que ce partenariat avec le Printemps nous permet de véhiculer une autre image, liée à la culture, de montrer que nous sommes des entreprises ouvertes. D’autre part, il y va de mes valeurs personnelles, et de mes convictions, au sens d’apporter et d’ouvrir la culture au plus grand nombre. C’est selon moi le rôle des entreprises, parce que la culture est certes un secteur porté par des subventions publiques, mais l’Etat ne s’occupe pas concrètement de diffuser et de donner à partager nos richesses culturelles. Nous, en communiquant en interne et auprès de nos partenaires, de nos clients, en faisant du mécénat pour offrir des places à des étudiants, nous permettons à des gens de découvrir la culture, de s’y intéresser et parfois d’en devenir des amateurs. C’est selon moi une action complémentaire à celle de l’Etat, indispensable, pas seulement au sens financier mais surtout en tant que vecteur de diffusion, car les gens travaillent tous, ou presque, donc l’entreprise est un rouage majeur dans la communication. Nous sommes les acteurs économiques et citoyens au cœur de la vie des gens, et si tous les employeurs prenaient en charge ce rôle, cela ferait grandir la sensibilité de la population à la l’art et la culture. 

 Quel est votre rôle en tant que responsable du Cercle d’entreprises partenaires du Printemps des Comédiens ?

C’est un prolongement de cette même idée, avec celle de rassembler des entreprises autour d’un club, mais pas seulement pour qu’elles investissent – car investir, quand on le peut, c’est « facile » -, mais pour diffuser cette sensibilité à l’art et à la culture. Les chefs d’entreprises qui participent à ce Cercle ne visent pas un retour sur investissement en termes de business – ce n’est pas comme investir une loge au stade Vélodrome de Marseille, ce que nous avons fait par exemple : nous y invitons des gens en sachant que nous aurons un retour immédiat. Là, avec ce club des mécènes autour du Printemps, l’esprit est de réunir des gens qui partagent ces valeurs culturelles, et qui ont envie que le Printemps des Comédiens soit un acteur de plus en plus connu et reconnu, sans manque de moyens financiers, et que nous aussi soyons reconnus comme portant ces valeurs à travers cette manifestation nationale.

Que recouvre le terme de « développement » dans votre milieu ?

Le développement, chez nous, signifie évidemment racheter des sociétés et développer du chiffre d’affaires. Pour mettre des chiffres en face de cela, il y a quatre ans, les groupes d’Anthony et le mien cumulés représentaient 30 personnes embauchées à plein temps et 3 millions de chiffre d’affaires ; l’an passé nous étions à 300 personnes et 30 millions, avec à présent une douzaine de sociétés fusionnées.

Vous développez par ailleurs une dimension Responsabilité Sociétale d’Entreprise ; quelles sont vos lignes de force en la matière ?

Depuis le début, nous avons en effet un axe très fort qui est celui du développement durable et RSE de manière générale. Et un point clé, qui est lié à la nouvelle structuration avec un nouveau dirigeant en comité de direction, et qui correspond à ce que nous attendions tous, c’est que nous devenons une vraie ETI, une vraie société structurée. Nous sommes ainsi en capacité de prendre de grands projets, et d’y insuffler de l’encadrement. Notre valeur ajoutée, ce sont deux axes : la RSE de manière globale, incluant les préoccupations, indissociables pour nous, de l’environnement et de l’humain ; et l’encadrement des travaux afin d’apporter autre chose que de l’artisanat stricto sensus. Je pense que notre révolution est là : nous passons de l’artisanat à l’organisation.

Concrètement, à quelles démarches et à quelles actions ces deux grands axes (RSE, en deux volets, et structuration) correspondent-ils ?

En matière de RSE, nous menons une politique d’embauche sans distinction d’âges, d’origines, et de formations, que nous mettons en avant. Nous sommes actuellement en train de travailler avec la Région et la Ville de Montpellier dans la perspective d’intégrer des migrants dans notre développement. Nous réfléchissons également au montage d’un centre de formation, qui serait encore une forme nouvelle, alternative et enrichissante pour tous - en termes de transmission - de l’extension de notre politique sociale. A ce sujet, nous envisagions principalement d’organiser une plateforme à Clermont-L’Hérault et, finalement, il nous paraît plus intelligent de le faire partout où nous sommes implantés, puisque nous avons la possibilité de monter des salles sur tous nos sites. C’est un grand projet, complexe mais enthousiasmant, en cours.

Par ailleurs, concernant le développement durable, nous ne nous contentons pas de dire que nous faisons du développement durable avec nos applicateurs, en utilisant simplement des matériaux écoresponsables ; pour nous, c’est élémentaire, et cela ne suffit pas. Nous allons beaucoup plus loin en nous rendant capables de faire des chantiers zéro carbone ; c’est là notre grande carte-maître. A ce jour, nous sommes les seuls hors-Ile-de-France à avoir fait des chantiers zéro carbone. Il s’agit d’assurer des chantiers non seulement en utilisant les meilleures pratiques au niveau de l’environnement, des postures et des gestes, mais ensuite nous compensons les émissions de CO2 en allant planter des arbres à Madagascar. Aujourd’hui, c’est Madagascar, demain ce sera peut-être en France... Quoiqu’il en soit, nous sommes les seuls hors Ile-de-France à savoir faire des projets neutres en carbone, et ça c’est génial !

Dernier point très porteur, c’est donc la partie « structuration » : nous répondons à de très gros projets, de plusieurs millions d’euros, pour lesquels nous mettons en place des organisations tout à fait spécifiques, avec des conducteurs travaux, des chefs de chantier, des assistants, pour créer un système logistique – ça s’appelle le « lean management -, une structure locale et des outils que personne ne parvient à déployer, et le cœur de notre avenir est là, dans des projets très structurés, et liés à l’environnement, comme autant d’écosystèmes autonomes que nous implantons avec un encadrement in situ hyper adapté au projet. Il est clair pour moi que, très vite, un tiers de notre chiffre d’affaires va être lié à de grands projets de réhabilitation pour un redéploiement énergétique.

 

Propos recueillis par Mélanie Drouère, mars 2022.

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