Warmup 2021 : Une fenêtre sur des travaux en cours

Julien Guill, connaissez-vous le Printemps des Comédiens ?

Oh oui (rire), j’ai grandi à Montpellier et c’est un festival historique pour moi, en tant que spectateur, et j’y ai joué dans Menteurs ?! d’après Mrozeck, mis en scène par Toni Cafiero, et Timon d’Athènes d’après Shakespeare, mis en scène par Frédéric Borie et Marion Guerrero, avant que Jean Varela n’en prenne la direction et me contacte de nouveau pour en être.

Quelles sont les pièces ou les moments qui vous ont marqué en tant que spectateur ?

Sur les dernières années, le spectacle qui m’a le plus marqué, c’est celui de Joël Pommerat avec Ça ira ! L’un de mes grands souvenirs est aussi une petite forme que j’ai vue il y a peu de temps : Les dimanches de Monsieur Dézert de l’équipe de Sylvain Creuzevault, une forme très modeste. Comme quoi, entre les grandes formes spectaculaires dans l’amphithéâtre et des formes beaucoup plus intimes pour un acteur, on peut trouver ces deux types de moments tout aussi intenses.

Pouvez-vous nous décrire votre projet et estimer son état d’avancement ?

Il s’avère que nous avons déjà présenté lors du tout premier Warmup il y a trois ans une première étape de L’élimination, d’après un témoignage de Rithy Panh, sur le génocide au Cambodge, qui est un récit non théâtral. Plusieurs parties sont développées dans ce témoignage : il y a le temps présent, celui vécu par Rithy Panh trente ans plus tard, qui prend conscience qu’il n’a pas réglé ses comptes avec cette histoire-là, et une brèche s’ouvre alors en lui – c’est la partie que nous avons présentée lors de cette première invitation. Toute la deuxième partie correspond à la période du génocide, de 1975 à 1979, pendant laquelle toute sa famille est transportée de camps en camps, de village en village. Enfin, il y a une troisième partie qui concerne les rencontres avec Duch, le directeur d’un centre de torture

18 et d’exécution, dont il a fait un documentaire. En trois ans, nous avons développé ces trois parties, et ce que nous allons présenter là, c’est la première demi-heure du spectacle. Quant à la dramaturgie, la création lumière ne sera pas en place, mais le travail sonore sera là.

Quel est pour vous l’enjeu de présenter un travail encore en cours ?

Pour nous, ce qui était très bien, c’est que grâce au Warmup d’il y a trois ans, nous avons pu rencontrer l’équipe de direction du Mémorial de Rivesaltes, et avons pu enchaîner avec un an et demi de résidence avec eux, et en tirer un apport absolument bénéfique.

Il me semble donc que cette initiative est déterminante, car elle permet de rencontrer des partenaires pour le projet. Nous avons aussi rencontré la belle-sœur de Rithy Panh, qui est venue voir l’une des restitutions, et ce sont des moments rares que nous n’aurions pas pu traverser sans être présentés dans le cadre de ce Warmup, devant des professionnels qui viennent au Printemps des Comédiens. Il n’en reste pas moins que cela demande un « cadrage » du regard du spectateur : il faut une prise de parole au préalable pour présenter aux spectateurs, y compris aux professionnels, ce qu’ils vont voir car le danger et évidemment qu’ils s’attendent à voir un spectacle. Dans Warmup, c’est très clair, puisque le principe même est de venir voir des étapes de travail, mais cela nous est arrivé dans d’autres événements de nous faire prendre au piège du manque de contextualisation, provoquant un regard critique qui n’était pas placé au bon endroit.

Qu’irez-vous voir dans cette édition 2021 du Printemps des Comédiens ?

Je vais bien entendu aller voir Dans la foule, créé par ce grand complice qu’est Julien Bouffier, et puis... En fait, on a envie de tout aller voir, comme toujours (rire) ; en tout cas, il est certain que nous irons voir toutes les autres propositions de Warmup, car nous travaillons tous ensemble, dans les mêmes conditions, avec une résidence en amont, et nous nous soutenons, car c’est d’une certaine manière un micro-festival dans le festival. D’ailleurs, ce Warmup nous a sensiblement rapprochés du Printemps, parce qu’en fait, on a l’impression de faire partie du Printemps !

Mais vous faites partie du Printemps !

Oui, c’est vrai (rire), et c’est pour cela que tout est si fluide avec l’équipe, les autres artistes, et c’est très agréable. Par ailleurs, j’irai voir le spectacle de Sivadier, Un Hamlet de moins, que j’aurais aimé voir ailleurs, mais qui a souffert du Covid, et La Mouette de Cyril Teste, et d’autres, que je suis en train de choisir.

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Propos recueillis par Mélanie Drouère, 10 mai 2021, Montpellier.