Warmup 2021 - Une fenêtre sur des travaux en cours

Jesshuan Diné, connaissez-vous le Printemps des Comédiens ?

Je connais le Printemps des Comédiens depuis quelques années, pour y avoir travaillé avec Alain Béhar sur La Clairière du grand n’importe quoi, et j’avais découvert auparavant l’existence du festival lorsque je voulais aller voir Nobody de Cyril Teste, que j’ai finalement vu plus tard. Par la suite, en découvrant les programmations, j’ai souvent eu envie d’aller y voir plein de spectacles, mais excepté pendant la session de travail avec Alain il y a deux ans, où j’ai pu assister à Persona, cette adaptation particulière du film de Bergman par Nicolas Valette dans le cadre de Warm Up, malheureusement, je travaillais toujours au même moment.

Pouvez-vous nous décrire votre projet ?

Cette Conversation autour du projet d’un non-spectacle dit presque tout dans son titre. Ce sont trois acteurs, dont l’un est porteur de projet et metteur en scène, qui décident de ne pas faire de spectacle, dans l’idée de lutter contre la société spectaculaire, au sens de la société du spectacle de Guy Debord. A partir de là se déplie une forme d’expérience au plateau, ou un laboratoire d’acteurs : on ne sait pas trop si c’est une répétition ouverte, un bord plateau, ou un talk show qui viendrait vous vendre ce projet avant même qu’il ne soit réalisé.

Ces trois acteurs, de ce désir de vide et de rien, vont peu à peu glisser vers un autre spectacle : celui de leurs propres contradictions : ils prennent conscience que ce spectacle du rien peut être très prolifique, et que c’est peut-être une belle image du nouveau spectacle de la société, s’interrogent sur ce que pourrait être le nouveau spectacle 2.0. En se déplaçant vers cet endroit, un peu comme des arroseurs arrosés, ils vont dériver vers des situations évoquant les nouvelles méthodes de management, l’accumulation de projets à n’en plus finir, l’impression que tout le monde doit toujours devoir donner son avis sur tout... Toutes les strates de la radiographie du nouveau spectacle sont considérées et deviennent l’objet d’une conversation interminable où ces trois entités qui brassent de l’air essayent de se raccrocher à ce qu’ils peuvent dans ce vide existentiel, donc ça commence de manière très réaliste et devient une sorte de fable métaphysique. Enfin, j’aimerais bien... on verra.

Quel est selon vous son état d’avancement ?

Cette année, nous avons beaucoup répété, du fait du temps que nous avons eu, ce qui est rare. Nous en avons donc profité pour essayer plein de choses avec cette expérience qui, paradoxalement, doit rester toujours fraîche. Avec ce même matériau, qui évolue lui-même parallèlement, nous avons imaginé une dizaine de versions, et nous venons de trouver le dispositif qui en est la conjonction, en quelque sorte ; reste à présent à trouver nos parcours en tant qu’acteurs à l’intérieur de ce dispositif. Pour le Printemps des Comédiens, nous pensons montrer ce qui correspondra à la première partie du spectacle en réunissant vraiment tous les médiums – vidéo, son, etc. – afin de faire un test grandeur nature avec le public.

Quel est pour vous l’enjeu de présenter un travail encore en cours ?

Pour nous, il est très clair : la rencontre avec un «vrai» public, qui s’est fait attendre depuis un an et qui est d’autant plus importante avec ce que nous proposons, cette expérience méta-théâtrale. C’est une pensée au plateau avec les spectateurs, un laboratoire sur tous les plans... nous avons donc un besoin extrême de spectateurs, pour voir comment le matériau lui-même se transforme au contact des gens. L’enjeu, ce sont les retrouvailles (rire) !

Qu’irez-vous voir dans cette édition 2021 du Printemps des Comédiens ?

Ce qui m’intrigue beaucoup, c’est Pièce sans acteur(s), de François Gremaud et Victor Lenoble, au sens où ça me semble résonner avec ce que nous faisons; la trilogie de Jaha Koo m’interpelle aussi, par sa dimension sociétale et documentaire, et Smog, qui a l’air de décupler son matériau par strates ; et puis j’irais bien voir Le Silence des confettis, pour son travail de collectif d’acteurs et la porosité avec la vie réelle qui semblent être les moteurs du spectacle.

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Propos recueillis par Mélanie Drouère, 14 mai 2021, Aix-en-Provence.