Pour Guy Vassal,

Un Maître est mort !
Nous venons de perdre Guy Vassal.
Et j’ai perdu mon Maître.

Savez-vous vraiment ce qu’est la perte d’un Maître ? Guy Vassal m’a formé, il m’a transmis, autant que des bases nécessaires, sa vision passionnée d’un métier, d’un art : le Théâtre. Il m’a procuré mes premiers rôles, assuré mon entrée dans ce monde. Au-delà de l’école nationale supérieure d’art dramatique, il a été pour moi recours, conseil, exemple par son action, ses créations. Pilier toujours présent auquel je sais, ma vie durant, pouvoir m’adosser, comme lui-même le fit avec Dullin ou Vilar ses Maîtres.

Il a su perpétuer avec ferveur la création d’un théâtre populaire largement accessible et pour cela oser confier son talent aux forces nouvelles du cinéma et de la télévision.

Son catalogue ? Mon Dieu ! « Mille e tre… » Un vaste, un immense catalogue, du théâtre au scénario, de la biographie au roman. En homme de lettres, en homme de plateau, en homme de scène. Et dominant tout cela l’amour d’une terre comme échantillon de l’universel. D’une terre faite de paysages et d’hommes dont il connait l’histoire.

Paysages qu’il parcourt en semant Festivals et Théâtres : Carcassonne, Albi, Lattes, Aigues-Mortes, Cévennes. Avec en lien le Canal des Deux mers de Riquet qu’il honorera d’un spectacle somptueux. La pérégrination de Molière, avec courage et obstination. Guy Vassal est notre Molière !

Conjuguant la générosité militante d’un art décentralisé accessible à tous il saura lier les drames de l’histoire locale à l’universalité de l’éthique. Sa première pièce en 1963 évoquera la croisade des albigeois, viendront : l’Affaire Calas, Les Prisonnières (huguenotes), les Templiers, autant d’intolérances, d’injustices et d’abus de pouvoir.

Guy Vassal fut, par la constance de ses choix un grand moraliste restaurant le Théâtre dans ses forts devoirs. Rendre justice, prodigieux pouvoir d’un homme de scène lui-même prodigieux.

Moins austère, heureusement, il savait l’être, adaptant Jean de l’Ours un conte populaire, ou dépoussiérant, comme on le dit facilement, La Fontaine ou Molière. Ce fut pour moi honneur et bonheur de jouer « Holà ! Hé ! Sganarelle ».

Bref ! au moment de dire adieu à celui qui confessa La Fontaine aussi bien que Lapérouse, l’albigeois du Monde, je voudrais affirmer ici que « …je le remercie peut-être de m’avoir aidé à devenir moins con et un peu plus heureux ! »

Vous me pardonnerez ces termes car la phrase est de lui, dans un hommage à Brassens.

Jean Varela
Le 15 novembre 2022